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jeudi 18 juin 2009

Doueh, le "guitar hero" du Sahara marocain


Doueh, le "guitar hero" du Sahara marocain

C’est un griot d’un genre nouveau, nourri aux musiques du Sahara et à la guitare de Jimi Hendrix. Sa tournée en Europe attire les amateurs de folklore et ceux de musiques pointues. Rencontre avec Doueh, le "guitar hero" saharien.

Le concert touche à sa fin quand Doueh se lance dans un dernier solo, mais cette fois guitare électrique dans le dos, à la Jimi Hendrix. Dans le public ça hurle, ça danse, ça siffle, pour un peu on se croirait à un concert du "Voodoo Child". Mais bientôt les sonorités orientales et les claquements de mains de Halima et Bashri reprennent, on passe du solo de blues à une mélodie sarahouie, les applaudissements redoublent pour Doueh et son groupe.

"Je m’appelle Doueh, je suis artiste, originaire de Dakhla au sud du royaume du Maroc" explique le guitariste, rencontré avant le concert. Dakhla, Doueh y revient toujours pour évoquer ses racines musicales. Car la plus grande ville du Sahara - une ancienne colonie espagnole très proche de la Mauritanie - est aussi le berceau de la culture hassanie, cette tradition orale des populations de l’ouest du Sahara basée sur la poésie, les contes, les proverbes et la musique. Cette musique, Doueh l’a toujours connue et jouée, une poésie du désert qui raconte le climat saharien, l’aridité de la terre, avec des instruments simples : voix, claquements de mains, tbal (tambourin sahraoui) et un petit luth à quatre cordes appelé tidinit. Mais pas seulement : "On a commencé par la musique traditionnelle [Doueh s’est fait un nom en jouant lors de mariages et de festival religieux à la fin des années 70, ndr] mais on s’est rendu compte que le public aimait beaucoup les nouveaux instruments, alors on a intégré une guitare électrique en 1979." Et depuis le public en redemande.

La guitare électrique est en fait devenue un instrument courant de la musique sahraouie dans les années 70. Mais Doueh a su en faire le catalyseur d’influences africaines et occidentales, intégrer des arpèges électriques aux accents pop, folk, blues, issus de ses influences musicales, Jimi Hendrix, James Brown, "ce qui fait qu’aujourd’hui cette musique hassanie est mélangée à des éléments modernes pour toucher un public plus large, pas seulement arabe ou marocain". "En fait je mélange tout !" conclut-il en français, souriant. Sans compter que Doueh est un guitariste hors-pair, jouant des solos hypnotiques, parfois avec une pédale wah-wah. Un vrai "guitar hero" du désert.

Résultat : un son atypique entre la musique sahraouie et le folk-blues psychédélique ; un son familial aussi, car il joue toujours avec sa femme Halima (chant, tbal), son fils Jamal (orgue) et leur ami Bashri (chant) sous le nom de Group Doueh. Un son qui a fait d’eux des stars dans leur région – ils ont électrisé le public du festival de musiques gnawas d’Essaouira en 2005 – mais pas seulement. Ce soir-là, la salle des Instants Chavirés à Montreuil, en proche banlieue de Paris, est pleine. Après une dizaine de dates en Grande-Bretagne, le Group Doueh poursuit sa tournée à Amsterdam, Stockholm, Berlin ou encore Genève.

Si Doueh et ses proches peuvent ainsi tourner en Europe et séduire un public éclectique, c’est grâce au travail acharné d’un petit label américain, Sublime Frequencies. À l’aide d’un réseau de musicologues déployés en Asie du Sud-Est, au Moyen-Orient et en Afrique, SF explore "les territoires méconnus du folklore mondial", comme l’explique son fondateur Alan Bishop, et édite des disques inhabituels, en dehors des sentiers battus des musiques du monde. Sublime Frequencies a ainsi sorti deux disques de Group Doueh ces dernières années, et l’un des membres de ce label, Hisham Mayet, les a longuement filmés à Dakhla pour un documentaire sur les musiques du Sahara, "Palace of the winds". Au catalogue des curiosités planétaires de SF, on trouve aussi un album de pop birmane, une compilation de "proto-raï" algérien des années 70, des disques d’une star de la musique syrienne, Omar Souleyman (qui partage l’affiche avec Group Doueh pour cette tournée en Europe), ou encore Radio Pyongyang, des chansons populaires diffusée sur les ondes nord-coréennes.

Group Doueh poursuit sa tournée en Europe : le 16/06 à Cologne (Stadttgarten), les 17 et 18/06 à Genève (L’Usine), le 20/06 à Madrid (Centro de arte Dos de Mayo) et le 21/06 à Lisbonne (Calouste Gulbenkian Foundation).

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